[CHRONIQUE JURIDIQUE] QUID DU MODE LÉGISLATIF DE CRÉATION DES JURIDICTIONS PÉNALES INTERNATIONALES HYBRIDES ?

La création par voie législative renvoie à l’établissement d’une juridiction conformément à la procédure de vote d’une loi. Ce procédé avait déjà été envisagé dans la situation du Cambodge, mais un flou subsiste en ce sens que les dispositions 31 et 2 de l’accord du 6 août 2003 entretiennent une confusion.
En effet, le fait que l’accord prévoit que le Cambodge adopte une loi pour le mettre en œuvre nous rend beaucoup perplexe. Car ne sachant sur lequel des instruments national ou international se fondent les Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgien (CETC), dès lors que l’article 31 de celui-ci dispose que « l’accord s’appliquerait en droit interne à partir de sa ratification ». Pourtant, l’article 2 du même accord prévoit qu’il ne s’applique qu’à travers l’adoption d’une loi nationale. Dans le mutisme de la Constitution sur ce sujet, c’est donc la loi qui prévoit la mise en place des Chambres extraordinaires intégrées dans le système judiciaire existant au niveau de la première instance, de l’appel et de la cassation. Le Cambodge opte donc pour la solution dualiste de l’article 2. La Loi du 27 octobre 2004 (NS/RKM/1004/006) sur les CETC illustre ce choix.
Pourtant, la création d’une juridiction à caractère international par voie législative n’est clairement perceptible qu’à l’analyse de l’acte instituant la Cour Pénale Spéciale (CPS). Mandatée par les résolutions 2149(2014) et 2196 (2015), l’acte créateur décisif est la Loi Organique n°15.003 du 3 juin 2015. Ce qui conduit Géraldine Mattioli-Zeltner à dire que « C’est la première fois qu’un gouvernement souverain crée, en adoptant une législation nationale, une cour hybride novatrice ». Le choix de la création de la CPS par voie législative présente un intérêt, celui de dissiper la crise de légitimité soulevée par les autres actes créateurs des Juridictions Pénales Internationalisées (JPIs). Ce mode de création, impliquant une concertation nationale, a le mérite d’établir une juridiction hybride acceptée par toutes les parties. Cela d’autant plus que son établissement résulte d’une procédure constitutionnelle.
Ainsi, la promulgation de la LO n°15.003 du 3 juin 2015 conformément à l’alinéa 7 de l’article 33 de la Constitution centrafricaine du 30 mars 2016 est l’aboutissement d’un processus rédactionnel et législatif rapide bouclé en neuf mois suivant les dispositions 77, 80 al 7 et 84 al 1 de la même constitution. Cette implication, dans la création de la CPS, des personnes plus proches du conflit participe d’une étude de cas sur l’application du principe de subsidiarité en République Centrafricaine élaboré par la CEEAC et la CMI. En effet, ils fondent ce principe sur « l’idée qu’une paix durable sera plus vraisemblablement atteinte lorsque les mécanismes de résolution des conflits sont dirigés par des acteurs ayant une proximité culturelle, géopolitique et/ou stratégique à la crise ». La CPS a l’avantage d’être établie par la loi et approuvé par l’autorité chargée de l’élaboration des lois. Ce qui accrédite le principe fondamental selon lequel « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal établi par la loi ».
Chanel C MOUBINDAGHA