Édito/Gabon : une démocratie en dents de scie

 Édito/Gabon : une démocratie en dents de scie

Après la concertation politique organisée en février dernier, et qui a remis en cause les avancées démocratiques obtenues au dialogue d’Angondjé en 2017, on est désormais en droit de s’interroger sur l’évolution d’une démocratie visiblement balbutiante. À quoi sert alors l’organisation dispendieuse des concertations et autres dialogues politiques, si leurs conclusions sont systématiquement remises en cause quelques années après par ceux qui les ont même adoptées ? À qui profite ce crime de recul démocratique ?

Prise dans la tourmente, entre d’un côté, la volonté confiscatoire des tenants du pouvoir par tous les moyens, aidés en cela par la vision à courte de vue d’opposants carriéristes, et de l’autre, le désir du changement porté par une opposition radicale, mais en peine et sans dogme fondamental, l’alternance politique au sommet de l’État se trouve là, bloquée au creux de deux pentes infranchissables. 

Face à cette rigidité du jeu démocratique , les dialogues politiques organisés ingénieusement pour tenter de désamorcer la situation apparaissent alors comme un enfumage de l’opinion, dont l’objectif est de donner faussement des gages d’un apaisement factice. Car depuis 1990, ces dialogues n’ont permis jusqu’ici aucune avancée notable du système politique, surtout dans sa matière électorale, source de confrontations et de clivages politiques systématiques.

L’inutilité des dialogues

À quoi sert alors la série de dialogues et autres concertations politiques dispendieux, organisée jusque-là, si leurs conclusions, plutôt que de parvenir à la transparence et à la pacification du processus électoral, contribuent au contraire à le rendre plus conflictuel ?

En réalité, ces dialogues politiques, organisés par le pouvoir jusqu’ici, (souvent, lorsqu’il est dos au mur, la veille ou au lendemain d’élections contestées), apparaissent non pas comme des instances de solutions à l’amélioration d’un système électoral poussif et largement décrié. Mais plutôt des bouffées d’oxygène pour un pouvoir qui cherche à tout prix à gagner du temps en tentant de calmer un jeu ourdi par lui-même.

Car de la conférence nationale de 1990 au dialogue politique d’Angondjé en 2017, en passant par les accords de Paris en 1994 et ceux d’Arambo en 2006, les avancées obtenues lors de ces différentes discussions politiques ont souvent été balayées, parfois avant même qu’elles n’aient eu le temps d’être expérimentées.

En effet, si la conférence nationale avait abouti entre autres au mandat présidentiel à 5 ans, il n’aurait pas fallu longtemps pour voir cette durée être portée à 7 ans à partir de la présidentielle de 1998. Et rien ne garantit que le retour à 5 ans opéré par la dernière concertation politique ne sera plus remis en cause quand le pouvoir se sentira bloqué par sa propre proposition. Un peu comme le principe d’élection à deux tours acquis au dialogue politique d’Angondjé, mais que ce même pouvoir vient finalement de rejeter, craignant sans doute des combinaisons qui auraient pu lui être fatales.

Autre réforme à la traîne, la biométrie.  Réclamée et acquise aux accords d’Arambo, la biométrisation du processus électoral n’a pas véritablement décollée à ce jour, le pouvoir prétextant toujours des raisons techniques sur l’ensemble du territoire, comme si ces dernières étaient insurmontables. Surtout lorsqu’il s’agit de parfaire un système électoral dont la contestation très violente se solde souvent par la tragédie et le chaos.

Un pas en avant, un pas en arrière, à l’évidence, le mode électoral gabonais est encore à ce point balbutiant qu’il semble encore chercher sa voie. Telle une démocratie en dents de scie et dont la maturation ou l’aboutissement du processus semble encore un rêve irréalisable, 33 ans après la conférence nationale qui allait jeter les bases de la modernité politique au Gabon. Que du temps perdu !

 

 

CNN

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