[Gabon] Coup d’État au Tchad : la caution trouble de la France ?

Sitôt le décès tragique du président tchadien, Idriss Deby Itno annoncé par des militaires qui ont pris le pouvoir à Ndjaména, la France d’Emmanuel Macron a été le premier pays au monde à réagir. Dans sa précipitation, Paris a déploré la mort d’un “ami de la France”, avant d’appeler à une “transition pacifique”, et non “démocratique”, cautionnant de fait, le coup d’État constitutionnel opéré par les éléments de la garde présidentielle.
Pourtant, tous les signes d’un coup d’État étaient déjà bien réuni dans le communiqué des militaires : dissolution du parlement, suspension de la Constitution, couvre-feu, fermeture des frontières, création d’un Conseil militaire dirigé par le fils du défunt président, Mahalat Deby.
Fait curieux qui renforce les rumeurs du côté de Ndjaména selon lesquelles Idriss Deby aurait peut-être été “assassiné par ses propres hommes plutôt que par des rebelles au front” car ayant pour devoir de protéger le président-soldat, ses propres militaires, connaissant la dangerosité de la situation sur le terrain ne l’ont pas fait.
Pire, si la volonté des généraux de la garde présidentielle était de reprendre en main le destin du Tchad après la mort du président Deby, pourquoi avoir mis les institutions entre parenthèses, alors qu’ils pouvaient bien gouverner avec ces mêmes institutions mises en place sous la présidence du défunt président lui-même ?
Autant d’interrogations qui alimentent davantage des soupçons quant à l’hypothèse d’une mort des suites des blessures reçues au front.
Mais malgré cette évidence d’un coup d’État constitutionnel consommé, dans la foulée, la France, sans même attendre que soient éclaircies toutes ces zones d’ombres, a pris acte du fait accompli, se contentant d’un simple appel à “une transition pacifique” du pouvoir, au lieu d’une “transition démocratique” comme aime bien l’exiger le pays des “Lumières” en pareil scénario.
Au nom du terrorisme
Doit-on comprendre que le Tchad étant un pivot dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, la conditionalité démocratique exigée aux autres pays dans le même contexte n’a plus sa place ? Quelle efficacité donner à cette croisade anti-djihadiste quand elle s’exerce en dehors de tout cadre légal ?
Quel sens donner alors à la politique africaine de la France quand celle-ci agit par une logique de deux poids deux mesures au nom des intérêts sécuritaires ?
Doit-on s’attendre à ce que la France qui semble faire fi de tout scrupule démocratique au Tchad, adoube la militarisation en cours du pouvoir politique, avec le fils de Deby qui tient désormais le pays dans la lignée de la dévolution monarchique du pouvoir ?
C’est en tout cas la crainte de nombreux Tchadiens qui redoutent de retomber sous la coupe d’un autre militaire, surtout d’un Deby bis au nom de la lutte anti-terroriste, alors que l’ancienne puissance coloniale, même gênée aux entournures avance ses pions désormais à visage découvert dans son pré-carré africain.
CNN