[Gabon] Dossiers judiciaires : ces enquêtes impossibles.

 [Gabon] Dossiers judiciaires : ces enquêtes impossibles.
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Le temps de la justice n’est pas celui des hommes. C’est l’éventail couramment brandit par les autorités judiciaires chaque fois qu’elles sont interpellées sur la lenteur intenable des enquêtes qui, depuis plusieurs années, avancent à pas de tortue ou presque pas. Au point que certains s’amusent même à les appeler “Les enquêtes impossibles”. Ce qui laisse transparaître dans la conscience populaire, l’image d’une manipulation de la justice quand les faits relèvent d’une certaine sincérité, ou d’un complot politique quand ils sont soupçonnés comme relevant d’une machination. 

 Entre 2015 et 2020, pas moins de cinq scandales médiatisés ont été instruits par le procureur de la République, près le tribunal de Libreville, sans qu’aucun d’eux ne connaisse un épilogue abouti. 

Avril 2015, alors que la fièvre  préélectorale bât son plein pour la présidentielle d’août 2016, une cache d’armes est découverte non loin de Libreville. Les caisses dépouillées devant la télévision nationale, dévoilent des fusils d’assaut, des grenades, lances grenades, munitions diverses etc. Dans l’immédiat, des enquêtes sont diligentées.

Cinq ans après, sans suite.  Juin 2017, un ancien candidat de l’opposition à la présidentielle de 2016, Désiré Aba’a Minko, à la tête d’un Commando terroriste parodié, investit plusieurs médias à Libreville, dont l’ancienne célèbre radio panafricaine,  Africa N°1. Il prend en otage des journalistes, pose des bombes factices, proclame la fin du pouvoir d’Ali Bongo, avant de trouver refuge au siège de la Délégation de l’Union européenne à Libreville. Dans la foulée, le parquet est saisi. Quatre ans après, sans suite. 

Toujours en 2017, en pleine “Opération Mamba” destinée à la lutte contre les détournements des deniers publics, alors que des cadres du régime comme les anciens ministres, Étienne Ngoubou, Magloire Ngambia et le Coordonnateur du projet de construction des bassins-versants de la capitale gabonaise, Blaise Wada, viennent d’être arrêtés, la commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, transmet au parquet de Libreville, une douzaine de noms d’autres présumés coupables. Là aussi, trois ans après, sans suite. 

Janvier 2019, un jeune officier de 26 ans, Kelly Obiang, à la tête d’un groupuscule de soldats de la garde républicaine, s’empare au petit matin, avec une facilité déconcertante, de Radio Gabon et revendique un coup d’État, alors que le président Ali Bongo se trouve en convalescence au Maroc, suite à un accident vasculaire cérébral qui l’a secoué deux mois plutôt, lors d’un voyage officiel en Arabie Saoudite. Les jeunes soldats inexpérimentés seront très vite maîtrisés par une intervention armée qui les réprime dans le sang. Bilan, deux morts chez les novices putschistes. Des enquêtes sont lancées, avec reconstitution de la scène de crime quelques mois plus tard. Près de deux ans après, sans suite. 

Juillet 2019, plusieurs centaines de containers chargés du Kevazingo, un bois précieux, disparaissent mystérieusement du port d’Owendo dans le sud de Libreville. Dans la foulée, des têtes tombent, y compris celle de l’ancien vice-président de la République, Pierre Claver Maganga Moussavou. Des enquêtes sont diligentées, sans suite. Dans les coulisses, et même ouvertement, certains accusent le pouvoir, notamment l’ex-directeur de cabinet d’Ali Bongo Ondimba, Bruce Laccruche Alihanga, à l’époque homme à tout faire, d’être à l’origine de la machination dont l’objectif est d’écarter du sérail, certaines personnalités dans la bataille qui fait rage pour la succession du président à l’époque affaiblit par la maladie. 

Seulement, si toutes ces enquêtes n’ont jamais abouti, officiellement parce que “le temps de la justice n’est pas celui des hommes”, comment expliquer que pour certains dossiers comme celui de l’opération scorpion, il n’a fallu au procureur que quelques jours seulement pour diligenter, boucler les enquêtes et mettre la main sur les tenanciers de l’AJEV, qui, dit-on, avaient, en un an, mis le trésor public à sac, alors que la même justice semble traîner le pas quand il s’agit des dossiers antérieurs ?

Techniquement, comment expliquer cette fébrilité, cette diligence pour certains dossiers, et la torpeur insupportable pour d’autres ? À la lumière de ces interrogations, le sentiment d’une justice à deux vitesses largement diffus, porte plus ou moins, un coup de discrédit manifeste à l’institution même de la justice, taxée d’être à la solde du pouvoir.  

Une justice dont le soupçon de la manipulation politique, entame désormais sa sincérité auprès du public. Car toutes ces enquêtes lancées à coups d’éclats médiatiques, mais qui se terminent par un silence radio, ne vont pas sans interprétations diverses, toutes se résumant à l’immixtion des forces extérieures. Ce qui rend certainement impossibles, l’achèvement des procédures enclenchées pourtant avec tonitruance. 

CNN

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