[Gabon] Nomination des Sénateurs : le flou artistique.

À quelques semaines des sénatoriales des 30 janvier et 6 février prochains, il règne encore un flou artistique quant aux modalités de nomination d’une partie des sénateurs par le président de la République. Un flou qui ajoute au défaut de légitimité déjà dénoncé par une partie de l’opinion nationale, qui soupçonne les ambitions cryptopersonnelles du pouvoir.
Le gouvernement qui s’efforce de justifier la bourde, explique que des exemples existent bel et bien en Grande-Bretagne et en Côte d’Ivoire. Pourtant, la nomination d’une partie de la cinquantaine des sénateurs par le président de la République, continue d’alimenter les inquiétudes à quelques jours des élections sénatoriales des 30 janvier et 6 février prochains.
Fondamentalement, deux raisons sont à l’origine de cette méfiance grandissante. La première tient au flou qui règne sur la question. Dans la modification constitutionnelle adoptée par le Parlement fin 2020, la disposition relative à la nomination des sénateurs souffre déjà d’un défaut de précision, notamment sur la proportion des sénateurs qui seront concernés par ce mode de désignation, leur représentativité par parti politique et par circonscription électorale.
La deuxième raison est liée à la légitimité même de ces élus qui seront désormais nommés, non pas sur des critères justes, mais plutôt à partir des considérations subjectives. On imagine mal comment le président pourrait nommer les sénateurs d’un parti d’opposition radicale qui conteste sa propre légitimité depuis le terme de la présidentielle de 2016.
Outre cette subjectivité, le fait même que des élus soient désormais nommés par une personnalité, fut elle un président de la République, qui n’a pas la qualité de grand électeur comme l’ont les élus locaux, cela pose un problème de principe démocratique.
Bien que le pouvoir s’en défende en invoquant l’exemple de la Grande-Bretagne, avec des sénateurs à vie, nommés par la reine Elizabeth, comparaison à ce niveau n’est pas raison. Ce d’autant que le pays cité est un royaume fonctionnant sur le modèle d’une démocratie parlementaire, avec bien sûr des prérogatives exceptionnelles reconnues à la personne de la reine.
Mais la méfiance réside aussi dans le fait que le gouvernement qui a adopté cette disposition en Conseil des ministres n’ait jusqu’ici pas parvenu à expliquer à l’opinion, le bien-fondé même de ce choix de nomination des élus par un président de la République. Quelle innovation cette nomination devrait-elle apporter dans le contrôle de l’action publique par le Parlement ? Quel rôle ces sénateurs nommés pourront-ils jouer au sénat ? Qu’elle sera l’étendue de leur prérogative par rapport aux autres qui seront, eux élus par les grands électeurs ?
Toutes ces interrogations jusque-là sans réponses semble révélatrices des limites d’une loi importée et improvisée sur la base d’un copier-coller, sans lien apparent avec la réalité institutionnelle du Gabon.
CNN