[Gabon] politique/Brice Laccruche Alihanga : dira-t-on le droit ?

Arrêté en 2019 dans la foulée de l’opération anti-corruption baptisée “Scorpion”, l’ancien directeur de cabinet du président Ali Bongo Ondimba, Brice Laccruche Alihanga doit comparaître ce jeudi devant le tribunal correctionnel de Libreville pour connaître les ou les infractions pour lesquelles il est poursuivi. Mais cette procédure, qui intervient 17 mois après, n’est pas du goût de son Avocat, Ange Kevin Nzigou qui dénonce une manipulation de la justice.
Dans une conférence de presse tenue mardi à Libreville, le Conseil de l’ancien bras droit d’Ali Bongo Ondimba a dénoncé la lenteur entretenue dans le dossier de son client. Ange Kevin Nzigou a dit ne pas comprendre la procédure qui, 17 mois après, n’est encore qu’au niveau de la notification de l’infraction. Pis, ni son client, ni lui, personne ne sait jusqu’ici, les charges pour lesquelles il est poursuivi. Surtout qu’il n’a pas accès au dossier qu’il juge vide.
Pour Ange Kevin Nzigou, il n’y a pas de doute, Brice Laccruche Alihanga n’est qu’une victime d’un règlement de comptes politiques. Il est donc en prison parce que quelqu’un l’a décidé. Pour preuve, le dilettantisme observé depuis 2019 dans ce dossier sous le paravent judiciaire, n’est autre que la matérialisation de cette stratégie visant à le maintenir au Gnouf (prison).
Même si le pouvoir s’en défend, alléguant l’État de droit et l’indépendance de la justice, cette sortie de Me Nzigou vient renforcer la théorie du complot politique défendue jusque-là par les soutiens de l’ancien directeur de cabinet du président gabonais.
Face à la suspicion presque généralisée des détournements de fonds publics dans les administrations et autres entreprises, les partisans de Laccruche Alihanga, et même une large opinion estiment que les opérations anti-corruption, organisées, jusqu’ici, puisqu’elles ne vont pas loin, sont avant tout des prétextes de manipulation des masses et de la justice à des fins politiques, tout le monde ou presque étant mouillé par la pratique. Surtout quand la même justice semble manquer de transparence, notamment sur des questions évidentes qui devraient guider son action.
D’ailleurs, admettons même que Laccruche Alihanga ait volé, combien aurait-il volé et comment y est-il parvenu ? Aurait-il volé en seulement deux ans ce que d’autres bien avant lui ont volé depuis le temps d’Omar Bongo ? Pourquoi n’ont-ils pas fait jusqu’ici l’objet des poursuites quelconques ? Peut-être parce qu’il n’y a pas eu conflit d’intérêt ? Mais peut-on efficacement lutter contre la corruption et les malversations financières en donnant l’impression d’une justice sélective dans un soupçon de “tous pourri” ?
La justice pourra-t-elle enfin laver son image soupçonnée en ne disant rien que le droit ce jeudi ? Il le faudra pourtant. Car si le Gabon, répète-t-on à souhait, est un État de droit, il n’y a pas d’État de droit sans indépendance véritable de la justice. Et ce sera aussi l’autre enjeu de ce dossier.
CNN