[Gabon]Arrestation des pros-BLA : qui agite la justice ?
Depuis la chute de Bruce Laccruche Alihanga de son poste de directeur de cabinet présidentiel le 7 novembre dernier, plusieurs de ses proches limogés comme lui le même jour n’ont plus le sommeil tranquille. La plupart d’entre eux sont gardés à vue au B2 dans le cadre de ce que le procureur de Libreville, Olivier Nzaou avait appelé d’enquêtes pour « soupçons de corruption ».
Seulement, des interpellations en cascades, dans la foulée même de leur limogeage, cela en fait un peu trop et ressemble à une sorte d’arrestations spectaculaires pour une justice d’ordinaire réputée pour sa lenteur déconcertante. Surtout pour ce genre de dossier.
Et loin de dénigrer le travail des enquêteurs et des magistrats impliqués dans cette opération de justice théâtrale à la limite du sensationnel, on est quand même en droit de s’interroger sur les motivations réelles de cette rapidité expéditive dans ces arrestations.
La lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, nécessitent-elles cette série d’interpellations spectaculaires ? Si la justice a été jusqu’ici nonchalante dans les enquêtes et les arrestations des présumés détourneurs des deniers publiques, qui se pavanent librement dans le pays, pourquoi a-t-elle choisi aujourd’hui d’aller de manière aussi expéditive avec les présumés voleurs qui viennent frais émoulus d’être déchus ? Et si détournement et blanchiment d’argent, il y avait, pourquoi ne les avoir pas interpellés, alors qu’ils étaient encore en fonction ? Pour ces arrestations opérées tout juste après leur débarquement, quel temps, la justice a-t-elle eu pour mener des enquêtes avant d’interpeller les présumés détourneurs ? Peut-on sérieusement boucler ce genre d’enquêtes pour des dossiers aussi grave en tout juste 24 h, surtout pour une justice que le temps, dit-on souvent n’est pas celui des hommes ?
À ces questions embarrassantes, les plus avisés n’ont plus de doutes, il y a manifestement une main noire dans l’ombre de la justice. Il y a dans ces interpellations spectaculaires en série, une odeur de manipulation. Car ce n’est plus un secret pour personne que dans ce pays, la justice ne peut se mettre en branle de façon aussi parodique que lorsqu’on l’actionne. Et les exemples comme celui du Kévazingo, désormais classé sans suite sont légion. Pour preuve de lenteur, la douzaine de noms des présumés prévaricateurs transmis depuis 2018 par la commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite à la justice n’ont jamais été inquiétés, au motif que la justice mène toujours ses enquêtes, car son temps n’est pas celui des hommes. D’ailleurs, comment expliquer que cette même justice ait réussi en à peine 24h seulement à boucler ses enquêtes sur les proches de Laccurche Alihanga, quand elle traîne encore le pas et n’a jamais interpellé, ne serait-ce que pour « soupçons » de détournement d’argent de l’État, les personnalités concernées dont elle détient toujours les noms, il y a plus d’un an?
Voilà autant de paradoxes flagrants qui inquiètent désormais sur le modèle d’une justice, dont il serait impossible de penser qu’elle n’est pas aux ordres de quelques lobbys bataillant dans l’ombre des intérêts politiques au palais du bord de mer.
CNN