[Gabon]Energie/Interview

L’Initiative Gaz Naturel constitue un ambitieux projet pour l’avenir du secteur de l’énergie au Gabon. Ce projet porté par les plus hautes autorités du pays et soutenu de près par la Banque Mondiale, permettra au Gabon de rendre plus compétitive sa production, qui, en ce moment là, serait en phase avec le mix-énergétique. Une nouvelle chaîne de valeurs serait ainsi en vue dans le secteur, avec en prime un impact positif sur les emplois. Gabonquotidien à la pointe de cette information industrielle est allé lors de cet atelier à la rencontre de M. Rodrigue ROGANDJI WOLBERT MBA, Chef de Service Production et Transport à la Direction Générale des Hydrocarbures, lequel aborde ici les enjeux de la transition énergétique pour le Gabon.

Gabon quotidien : M. Rodrigue Rogandji bonjour!
Il vient de se tenir à Libreville la 3e rencontre politique sur l’Initiative Gaz Naturel du Gabon où votre Ministère avait été partie prenante. Est-ce dire que le Gaz Naturel doit se considérer comme l’avenir du secteur de l’énergie au Gabon ?

Répondre à cette question oblige à revenir en arrière et expliquer le contexte qui a longtemps prévalu dans l’industrie des hydrocarbures. Jusqu’à récemment lorsqu’un groupe pétrolier trouvait du gaz associé à un gisement d’huile la question était : Que faire de ce gaz ? Ma découverte sera-t-elle rentable malgré le volume de gaz naturel qui s’y trouve ?

En effet l’absence de débouchés économiquessur le marché national pour le gaz naturel conjuguée aux contraintes réglementaires d’interdiction du torchage, à des fins de protection environnementale, posait un dilemme aux opérateurs : elle renchérissait les coûts d’exploitation d’un gisement de pétrole et réduisait leurs marges. Le gaz était donc vu comme un fardeau et non comme une opportunité. A travers notre initiative, c’est à cette situation de destruction de valeurs pour tous : opérateurs, Etat et population, que nous avons décidé de mettre fin.

Le peuple Gabonais, comme le reste du monde est entré dans ce qu’il est convenu de nommer la transition énergétique. Celle-ci n’est pas un projet éloigné dans le temps, elle a déjà commencé. Les professionnels de l’énergie l’ont intégrée à leurs stratégies de développement, les gouvernements aussi, sans parler de la maturité progressive de nouvelles solutions technologiques qui rendent cette transition non seulement possible mais chaque jour plus rentable d’un point de vue économique. Dans ce cadre le gaz naturel a en effet toute sa place : doté d’un haut rendement énergétique (50%) et plus propre que les autres énergies fossiles tout en étant bon marché, il est considéré comme l’énergie « passerelle » par excellence. C’est-à-dire celle qui permettra le passage en douceur du tout pétrole à l’ère du mix énergétique, mix dans lequel les énergies renouvelables seront prédominantes.

On nous parle d’une énergie de stabilisation et pivot, pourtant il a fallu tout ce temps pour comprendre ?

Rappelons que le concept d’énergie « pivot » désigne un type d’énergie capable de prendre le relais des autres sources quand ces dernières ne peuvent plus fournir de l’électricité : que cela soit pour des raisons climatiques (sécheresse pour l’hydroélectrique, absence de vent pour l’éolien, de soleil pour le solaire etc..) ou pour des raisons techniques (avarie ou maintenance).

Le gaz répond parfaitement à cette description. Il est l’énergie idéale pour stabiliser le système électrique d’un pays, du moins si le pays a la chance d’en être doté. En effet, il est bon marché, cela nous l’avons déjà dit, mais surtout il est extrêmement facile d’activer un réseau de centrales à gaz. Vous ouvrez le robinet à gaz et la production électrique peut commencer immédiatement, sans effet retard. De la même manière il est tout aussi facile de stopper la production électrique d’une centrale à gaz. Cette facilité, cette flexibilité d’usage, rendent le gaz particulièrement pratique.

Bien entendu tout cela n’est pas nouveau. Un consensus existait sur ce que nous pouvions collectivement retirer du gaz naturel. Mais pour confier un tel rôle au gaz, pour entériner sa place au cœur du système énergétique gabonais, un socle minimum d’équipements était nécessaire tout comme l’était la planification de diverses tranches d’investissements publics. La chose étant faite, nous nous trouvons aujourd’hui au bon moment pour faire de cette vision une réalité. C’est une question de timing et d’enchaînement des étapes stratégiques.

La production d’énergie au Gabon reste dominer par le Gaz naturel avec une contribution à hauteur de 49%. Pour demain, cette contribution pourrait forcément connaître un bon en avant. Comment envisagez-vous les choses dans cette perspective ?

Je souhaite ici, modérer vos conclusions. Le gaz n’a pas vocation à devenir l’unique source d’énergie du pays mais de devenir le catalyseur d’une politique énergétique intelligente, c’est-à-dire flexible et diversifiée dans ses sources, à la production stabilisée.

Dans le portfolio énergétique que nous sommes en train d’élaborer toutes les sources d’énergie ont vocation à trouver une place optimisée et adaptée à des besoins spécifiques dans leurs usages (industriels ou résidentiels) ou dans leurs géographies (rurales ou urbaines). Le Gabon s’est par exemple engagé en 2018 dans des investissements en partenariat avec AusarEnergy (groupe Engie) pour l’implantation d’unités de production décentralisée d’électricité à partir de centrales solaires avec stockage.

Il y a des zones au Gabon difficiles de pénétration qui continuent d’être alimentées par le diesel. Qu’est-ce qui va changer pour ces zones avec l’avènement du mix-énergétique ?

Le diesel est une source d’énergie qui a vocation à disparaitre : polluant, bruyant, au faible rendement énergétique, il est surtout extrêmement cher. Le coût moyen du Mega Watt produit par le diesel est de 250 FCFA. A titre de comparaison si l’on utilise le gaz on divise le coût de ce même Mega Watt par un facteur 10 (25,8 FCFA). Aujourd’hui l’apparition sur le marché de nouvelles technologies de production, de transport et de stockage de l’énergie à base de gaz telles que les « mini-LNG » ouvrent de nouvelles perspectives.

Là où il était possible d’acheminer du fioul ou du diesel, il sera possible d’amener du gaz… notamment par véhicule fonctionnant au gaz !

Cela démontre que le domaine du transport d’énergie proche à votre Direction est encore soumis à des pesanteurs. Votre analyse du problème ?

Le domaine énergétique est par essence stratégique : il impacte la souveraineté du pays et la capacité de celui-ci à être indépendant, il impacte son économie et son attractivité vis-à-vis des investissements étrangers, il impacte enfin le bien-être des populations. Chaque décision que nous prenons est donc extrêmement sensible et requiert l’adhésion des multiples parties prenantes au processus, tant publiques que privées. Nous ne sommes pas une start-up et n’avons pas vocation à le devenir.

Le service Production et Transport de la Direction Générale des Hydrocarbures, puisque vous y faites référence, cherche en permanence à optimiser ses procédures décisionnelles et à améliorer l’efficience de son fonctionnement. Je suis confiant en notre capacité toujours plus grande à œuvrer au bien commun.

Le Gabon veut mettre en place toute une industrie nouvelle pour développer cette combinaison d’énergies. A-t-on les moyens et l’expertise nécessaire pour sa mise en œuvre ? Quelle serait la meilleure approche sectorielle ?

Nous avons au Gabon la chance d’abriter certaines des meilleures entreprises au monde en matière énergétique : Perenco, Total, Assala et ENI pour ne citer que celles-ci et leurs fournisseurs de solutions tels que Schlumberger, Baker Hughes, SPIE ou Peschaud (Logistique) sont tous des pionniers et des innovateurs de la filière au niveau mondial. Je n’ai donc aucun doute quant au niveau de professionnalisme et d’expertise sur lequel nous pouvons compter pour mettre en œuvre nos plans de développement futurs.. A titre d’exemple, la société PLM (Petroleum Logistic Material) entreprise bien connue de Port-Gentil a développé récemment un système de micropaiement pour permettre l’achat de gaz butane en petites quantités aux consommateurs les plus modestes.

La meilleure approche sectorielle tient en trois mots : concertation, coordination, formalisation.

Quels sont les objectifs à terme de cette nouvelle politique énergétique ?

Ses objectifs, classés du plus court au plus long terme, sont au nombre de quatre :

 Stabilisation de la fourniture électrique tant pour les entreprises que pour les ménages, avec à la clef, l’accès à l’électricité pour 100% des Gabonais à l’horizon 2030.

 Développement du tissu industriel : une fourniture énergétique de qualité et peu polluante (le gaz encore lui !) combinée à des infrastructures adaptées permettra d’attirer les investisseurs industriels à la recherche de conditions socio-économiques en accord avec leur stratégie de croissance et leur exigence en termes de responsabilité sociale.

 Faire jouer au Gabon un rôle de couloir énergétiquepour faire profiter ses voisins de la sous-régioncontinentale de sa façade maritime,d’une part, et de son accès à un portfolio diversifié d’énergies rendu possible grâce à une politique d’optimisation de son mix énergétique, d’autre part.

 Créer les emplois de demainde l’écosystème énergétique,et ce faisant,porter la prospérité du pays, contribuer à un meilleur bien-être des populations.

Le nouveau code des hydrocarbures est-il en adéquation parfaite avec cette visée de l’énergie en terre gabonaise ?

On trouve dans le Code des Hydrocarbures des sections et des articles sur le gaz associé, le gaz naturel, l’interdiction du torchage pour la valorisation et la monétisation de la ressource gaz, qui passe par la réalisation des projets de type Gas to Power (fourniture du gaz pour l’électricité), Mini-LNG, Diesel, Pétrochimie et autres.

Ainsi, le nouveau Code des Hydrocarbures est bel et bien en parfaite adéquation avec cette nouvelle vision de l’énergie, mix énergétique au Gabon, ou le gaz joue le rôle d’une énergie passerelle.

Propos recueillis par Alain Michel

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