[Gabon]Front social : la plénière peut-elle apaiser le climat ?
Alors que gouvernement, patronat et partenaires sociaux ont adopté hier en plénière, les amendements de toutes les parties sur le nouveau code du travail, largement critiqué par les organisations syndicales comme précarisant l’emploi au Gabon, l’on est en droit de se demander si cet « accord » peut à lui seul suffire à apaiser un climat social incandescent depuis plusieurs mois déjà.
Après Emmanuel Issoze Ngondet qui a ouvert, dans la tourmente post électorale, le deuxième mandat du président Ali Bongo Ondimba en 2016, l’arrivée de son successeur, Julien Nkoghe Bekale à la primature en janvier 2019 a suscité des espoirs néanmoins mitigés dans les rangs de la population. Mais sous le principe de la continuité de l’administration, et devant les difficultés de trésorerie que traverse le pays depuis fin 2014 en raison de la chute et des fluctuations des cours des matières premières sur le marché international, Nkoghe Bekalé décide de poursuivre les efforts des réformes budgétaires, notamment en maintenant le gel des recrutements dans la fonction publique. Cette mesure avait été demandée par le Fonds monétaire internationale (FMI) en 2017 au titre de ses conditionnalités pour le redressement des économies en difficulté.
Mais malgré le maintien de ce gel, le successeur d’Issoze Ngondet avait promis, dans sa première déclaration de politique générale de février 2019, la régularisation des situations administratives bloquées depuis des années, alors que de nombreux fonctionnaires qui tirent le diable par la queue à cause de la modicité de leurs revenus, ne savent plus où donner la tête. Mais cette promesse avait aussi suscité l’espoir de nombreux Gabonais qui attendent depuis le dégel des recrutements, surtout dans un pays où le manque d’éclosion véritable du secteur privé et tous ses aléas, fait de la fonction publique le seul pourvoyeur d’emplois fiables.
Seulement, un an après, le gouvernement n’ayant tenu quasiment aucun engagement parmi ceux énoncés dans cette déclaration de politique générale, le tout polarisé par des remaniements intempestifs (cinq au total en moins d’une année), la valse continue des ministres a fini par créer un malaise dans une administration qui n’aura passé le clair de son temps à se réformer qu’à travailler normalement pour la concrétisation des promesses, favorisant un contexte social de plus en plus tendu par la grogne des partenaires sociaux qui rappellent au gouvernement sa responsabilité dans le non respect des accords obtenus et maintes fois violés.
Et comme en terme de responsabilité du gouvernement, il ne manque pas de la matière pour l’accuser, les organisations syndicales trouvent le moyen de l’accabler encore plus : le projet du nouveau code du travail. Un code qui, selon les syndicats, donne plus de droits aux employeurs qu’il n’en donne aux employés. Pour eux, il est clair que le gouvernement veut précariser l’emploi au Gabon.
Mais alors que gouvernement, patronat et organisations syndicales viennent de boucler leurs discussions entamées en plénière depuis le 3 février dernier, peut-on espérer que cela suffira à refroidir un climat social en ébullition ?
À cette question, les partenaires sociaux affirment que tout dépendra de la volonté du gouvernement à répondre à leurs revendications, dont la principale est le recrutement immédiat de toutes les personnes sorties des écoles et qui attendent depuis des intégrations. Comment fera-t-on alors pour adapter ce recrutement qui s’annonce massif et l’exigence de maîtriser le fichier solde de l’État comme le veut le FMI ? Là est toute la question et il semble qu’on soit loin d’être sorti de l’auberge.
CNN