[Gabon]Immunité parlementaire : est-elle en danger au Gabon ? 

La question cristallise les débats dans l’opinion depuis deux mois, alors que le parquet de Libreville, chose étonnamment rare, a décidé de mener une guerre sans merci contre d’anciens cadres de l’administration, faisant parfois fi de l’immunité parlementaire dont bénéficient certains d’entre eux. 

Avec la procédure express de la levée de l’immunité parlementaire et de l’arrestation dans la foulée, de l’ancien ministre des Transports et des Travaux publics, Justin Ndoundangoye, par ailleurs député du siège unique du 2è arrondissement de la commune de Franceville, pour dit-on, des “soupçons de détournement des deniers publics”, nombreux, les plus avisés, loin de l’émoi populaire, ont tout de suite dénoncé une théâtralisation d’une affaire au demeurant judiciaire.

Car plusieurs fois interpellé comme un vulgaire bandit et empêché de sortir du territoire,  Ndoundangoye, voulant certainement se soustraire à la justice a finalement été rattrapé et cueilli par des éléments de la direction des renseignements sitôt son immunité levée, du moins ce qui en tenait lieu. 

Pour éviter de scandale, ces éléments qui s’étaient abstenus de lui mettre la main dessus depuis plusieurs jours, n’attendaient que lui soit retirée cette immunité à l’Assemblée nationale où ils faisaient le pied de grue. 

Et comme tout le monde l’avait imaginé, sans surprise, ses collègues députés ne se sont pas donnés la peine de voter à une majorité écrasante contre cette protection parlementaire. Au nombre des arguments évoqués, l’attitude condescendante de Ndoundangoye qui a refusé maintes fois de se présenter devant la commission chargée de l’auditionner, préférant leur répondre par de simples posts vidéos sur les réseaux sociaux.

Mais pour l’entourage du mis en cause, Ndoundangoye s’est refusé de répondre à l’invitation de ses collègues, non pas nécessairement qu’il se sentait coupable, mais parce qu’il craignait d’être la victime expiatoire d’un dossier que certains qualifie d’acharnement politique ciblant tous les disciples de Bruce Laccruche Alihanga, l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo Ondimba, lui aussi traîné en prison pour les mêmes faits. 

De toute évidence, l’ancien tout-puissant ministre des Transports et des Travaux publics savait que la levée de son immunité ne serait qu’une simple formalité, l’Assemblée nationale étant majoritairement dominée par les députés du Parti Démocratique Gabonais qui, pour rien au monde, ne sauraient tenir tête à la justice. Surtout que celle-ci est accusée de recevoir ses ordres ailleurs pour ce genre de dossiers. 

La fin de l’immunité ?

Seulement, la facilité avec laquelle cette immunité a été levée est si déconcertante que certains ne cachent plus leurs inquiétudes quant à la menace qui plane désormais sur ce verrou parlementaire. Principe universellement reconnu, l’immunité parlementaire au Gabon n’a visiblement plus besoin de débats préalables pour être levée. Surtout quand la demande en est faite par les autorités judiciaires saisies par le gouvernement, lequel gouvernement dispose déjà d’une large majorité dite godillot au palais Léon  Mba.

Pourtant, la Constitution est à ce point on ne peut plus explicite : aucun député ne peut, dans l’exercice de son mandat, être recherché, arrêté, et condamné, sauf en cas de motif grave. A-t-on réellement respecté la loi fondamentale à ce niveau ? Ndoundangoye, n’a-t-il pas, par deux fois de suite été arrêté, brutalisé, malmené, filmé à Port-Gentil et à Malinga dans le sud du pays ? Ces photos, visiblement prises par les agents de forces de l’ordre n’ont-elles pas fait le tour de la toile, le montrant comme un petit délinquant, alors même qu’il bénéficiait encore de son immunité ?  Que dire alors de la présomption d’innocence ? Un présumé innocent mérite-t-il d’être à ce point condamné et exposé avant même d’avoir été entendu ? Avec ce traitement, l’immunité parlementaire a-t-elle encore un sens au Gabon ? 

CNN     

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