[Gabon]UOB : entre science et trafic d’influence, le statu quo !
Créée en 1970, l’université nationale du Gabon (UNG) devenue par la suite université Omar Bongo (UOB), qui accuse depuis des décennies, des difficultés de visibilité et de crédibilité, semble aujourd’hui à la croisée des chemins. Car prise entre le dogme originel de la promotion de l’élite scientifique et la lutte des influences géopolitiques extérieures, l’institution accuse un retard de modernité ahurissant.
Nommé à la tête de l’université Omar Bongo en 2013, Marc Louis Ropivia s’était soumis en 2018, comme bien d’autres candidats, à un processus de sélection du Recteur de la plus grande université du Gabon. Une sélection au terme de laquelle il avait été retenu pour un nouveau mandat de trois ans.
Critiqué par la présidence de la République pour sa « mauvaise gestion », il a rendu son tablier le 11 février dernier, pour éviter le déshonneur inutile d’une lutte d’influences géopolitiques. Par cette démission, le désormais ancien Recteur de l’UOB met à nu, les nombreuses difficultés auxquelles il a été confronté depuis sa reconduction, notamment son impossibilité à faire nommer en conseil des ministres, ses collaborateurs aux fonctions académiques, comme le prévoient les textes relatifs à la désignation des chefs d’établissements publics d’enseignement supérieur. Au lieu de cela, Ropivia s’est donc vu imposer d’autres responsables académiques contrairement à l’esprit de la loi en vigueur.
Le statu quo
Une telle volonté de mettre en mal l’exercice de son mandat a fini par convaincre Marc Louis Ropivia que « l’UOB est enjeu géopolitique national ». Ce qui, selon lui explique « l’activisme des acteurs tant internes qu’externes d’en avoir le contrôle, quitte à y entretenir un climat de guerre froide permanente ».
Une « guerre froide permanente » à l’origine du mal-être de l’institution. Car avec cette démission de Ropivia, la question aujourd’hui n’est plus de savoir qui va le remplacer, puisque les remplaçants, il y en aura toujours tant que l’administration sera éternelle. Mais de se demander quand la classe politique dirigeante cessera-t-elle de transformer la plus vieille des universités publiques gabonaises, en un objet d’influences géopolitiques pour la seule promotion de l’élite intellectuelle du pays.
La question est d’autant fondamentale qu’elle relance le débat sur l’état de vétusté et de délabrement flagrant dans lequel se trouve l’université Omar Bongo aujourd’hui. Une université dont les travaux de réhabilitation des hébergements engagés depuis 2014 ont pris la tournure d’éléphants blancs depuis des années. À cela, s’ajoute la reconstruction des ruelles et autres voiries, l’éclairage, etc. Des travaux à l’abandon, offrant la vue d’un établissement continuellement en chantier, avec des gravats des masses de béton et de la ferraille en vrac. Est-ce peut-être à ce niveau, que Ropivia devrait-il rendre des comptes ? Oui, mais encore faut-il lui avoir donné des moyens pour cela.
Et comme si cela ne suffisait pas, le chantier d’une bibliothèque moderne, détruite il y a quelques mois par le gouvernement faute de moyens pour en achever la construction, a fini par emporter le dernier espoir des étudiants dont les amphis ne contiennent plus les effectifs croissants, puisqu’ils en sont aujourd’hui à près de 40 mille dans une université construite au départ pour une capacité de 8 mille places.
Tout cela entretenu par des notes parfois fantaisistes et des taux d’admission ou d’échec ne reflétant pas nécessairement le niveau réel des apprenants. Voilà à quoi est réduite l’UOB au milieu de cette lutte d’influences géopolitiques des acteurs tous azimutes. Un vrai bourbier intellectuel dans lequel seule, la nouvelle gouvernance universitaire promise par le gouvernement de Julien Nkoghe Bekale, viendra certainement trouver une solution pour un établissement qui, depuis des décennies, déjà, ne figure même plus parmi les 100 meilleures universités africaines.
CNN