Naufrage d’Esther Miracle : le gouvernement face à la récupération politique


Comme il fallait s’y attendre, le naufrage du navire Esther Miracle, survenu le 09 mars dernier, en pleine année électorale semble devenu un fonds de commerce pour les acteurs de tous bords. Société civile, opposition, gouvernement, chacun dans son rôle agit en tentant de tirer profit de l’effroyable tragédie qui marque encore les esprits.
Depuis la catastrophe, les visites s’enchaînent, les messages de compassion fusent, les dons de vivres affluent. Comme un lieu de meeting où il faut être vu, le Port Môle de Libreville a été pendant plus d’une semaine, le tristement célèbre endroit où les acteurs politiques de tous bords et les organisations de la société civile ont rivalisé de compassion pour être bien vus auprès des familles, l’occasion faisant le larron. C’est aussi le lieu et le moment de la critique politique, l’opposition et la société civile chargeant le laxisme du gouvernement en matière de sûreté du transport maritime.
Pour l’avoir compris, le gouvernement, conscient des manquements administratifs, a vite fait d’annoncer un train de mesures à l’encontre des responsables de la marine marchande. Le président Ali Bongo a décrété sur le tard un deuil national de 3 jours, avant de se rendre sur les lieux quelques jours après. Il fallait donc montrer la compassion des autorités gouvernementales aux familles des victimes, dont certaines restent, à ce jour, introuvables, l’objectif étant de ” ne pas être largué par ses adversaires” au regard des enjeux politiques en pleine année électorale.
C’est dans ce cadre que les pièces d’identité nationale comme le passeport dont la délivrance nécessite d’ordinaire des semaines d’attente a été délivré illico presto aux naufragés en seulement deux ou trois jours. Une célérité étonnante qui s’est ajoutée à la communication spectaculaire du Premier ministre, Alain Claude Bilie By-Nze à l’endroit des responsables du ministère des transports dont le ministre, Brice Constant Paillat a démissionné quelques heures plutôt. Sans doute à cause des pressions dans les coulisses, même si l’intéressé se refuse à l’admettre.
La dictature de l’opinion
Comme s’il agissait sous le diktat de l’opinion populaire, le gouvernement a même annoncé l’érection d’une stèle en mémoire des disparus au Port Môle d’où était parti le navire Esther Miracle. Comme pressé, par l’urgence de ne pas perdre face dans cette tragédie qui se joue aussi indirectement sur le terrain électoral, le gouvernement a montré une promptitude inhabituelle dans l’exécution des décisions, à telle enseigne qu’on a vite fait de pointer une sorte de récupération politique de la part du gouvernement, avec des décisions souvent dictées par l’opinion. C’est le cas notamment de la stèle qui était réclamée y compris par les naufragés eux-mêmes.
Des naufragés dont l’activisme acharné a souvent donné du fil à retordre au gouvernement en multipliant des messages et des déclarations parfois si embarrassantes que celui-ci n’avait d’autres choix que d’agir vite. Un embarras qui a même poussé le Premier ministre, Alain Claude Bilie By-Nze à descendre de son piédestal de la primature pour aller rassurer, et même communiquer sur place au Port Môle, éclipsant ainsi le porte-parole du gouvernement, Yves Fernand Manfoumbi.
C’est dire qu’à défaut d’un conflit ouvert, deuil oblige, le naufrage d’Esther Miracle a aussi ravivé de manière larvée, la rivalité entre d’un côté le pouvoir, et de l’autre la société civile et l’opposition. Personne ne voulant perdre face dans ce drame qui a ému et émeut encore la Nation tout entière, le naufrage d’Esther Miracle ne pouvait donc échapper à la récupération politique, la rentabilité étant certainement plus importante pour les deux camps que la douleur des familles.
CNN
Crédit photo : gabonreview