À Ntoum, le cycle électoral 2025 aura pris des allures d’épreuve politique et morale. En cause : la succession de reports et de tensions autour de la candidature de Camélia Ntoutoume Leclercq, ministre d’État à l’Éducation nationale et figure du Parti démocratique gabonais (PDG). Trois scrutins pour un seul siège : un fait rare, presque inédit, qui soulève autant d’interrogations sur le fonctionnement du processus électoral local que sur la place faite aux femmes dans la sphère politique nationale.
Le 27 septembre 2025, alors que les électeurs de Ntoum s’apprêtaient à voter, la victoire semblait acquise à celle que beaucoup présentaient comme favorite. Sa campagne, méthodique et respectueuse des codes républicains, avait donné le ton d’une victoire probable dès le premier tour. Mais au lieu de la reconnaissance du suffrage, c’est une série de remises en cause et de contestations qui a ouvert la porte à une succession de reports. Une situation que d’aucuns qualifient de « marathon électoral », épuisant autant pour la candidate que pour ses électeurs.
Dans les coulisses, plusieurs sources locales évoquent une coalition d’intérêts politiques qui aurait contribué à ralentir, voire à fragiliser, la dynamique électorale de la ministre. Des propos à connotation ouvertement misogynes auraient même circulé, révélant combien la conquête du pouvoir demeure un terrain difficile pour les femmes, même au plus haut niveau de responsabilité. L’une des phrases rapportées « Une femme ne doit pas diriger le village » traduit tristement le fossé culturel et politique que certaines figures publiques tentent encore de combler.
Au-delà du cas personnel de Camélia Ntoutoume Leclercq, l’affaire pose la question de la maturité démocratique locale. Les reports successifs, les contestations sans fondement clair, les manœuvres d’arrière-scène fragilisent la confiance des citoyens envers le processus électoral. « Tout report d’élection est un poison lent », confie un proche de la ministre. Ce poison, c’est celui du doute et du découragement, qui mine peu à peu la foi du peuple en la transparence républicaine.
Malgré cela, la ministre d’État est restée présente sur le terrain, assumant à la fois ses charges gouvernementales et sa responsabilité politique. Entre un agenda ministériel chargé et une campagne à rallonge, elle a maintenu un équilibre difficile, symbole d’une résilience rare dans un climat électoral tendu.
Mais l’enjeu dépasse sa seule personne. En s’attaquant à elle, c’est aussi à une certaine idée de la gouvernance féminine qu’on s’en prend. Car Camélia Ntoutoume Leclercq n’incarne pas seulement un parti : elle représente une génération de femmes d’État qui refusent de voir leurs compétences réduites à des stéréotypes. Son parcours, marqué par la rigueur et la loyauté institutionnelle, illustre un changement de paradigme que certains acteurs peinent encore à accepter.
Le troisième tour, prévu pour le week-end, s’annonce donc comme un moment de vérité. Au-delà de la victoire ou de la défaite, cette nouvelle épreuve sera un test de résilience démocratique pour Ntoum, et un message adressé à toutes les femmes engagées dans la vie publique.
Car cette séquence électorale, bien qu’âpre, révèle un combat plus profond : celui entre une vision du passé où la femme devait rester en marge, et celle d’un Gabon moderne où elle peut prétendre à toutes les fonctions, sans justification ni condescendance.
À travers Camélia Ntoutoume Leclercq, c’est cette bataille symbolique qui se joue. Non plus seulement pour un siège, mais pour l’idée qu’en République, la compétence n’a ni genre ni frontières.
Justin Mbatchi













